Feux de cheminée : Que faire contre ces nuisances

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Feux de cheminée : Que faire contre ces nuisances

05/12/2019

Vous êtes nombreux à être incommodés par les fumées des feux de cheminée. Quand vos voisins ne veulent pas entendre raison, quels sont les pistes d’action ? Voici un guide pour faire respecter votre droit à respirer un air sain.

Définition, structures (de quoi parle-t-on?)

En 2018, le chauffage au bois représentait le premier contributeur au niveau national des émissions de particules dans l’air. D’après le Ministère de la transition écologique et solidaire1, la combustion du bois représentent 41 % des émissions sur le territoire français de particules en suspension (PM 2.5), contre 17 % résultant du transport routier.

Dans certaines régions telles que la vallée de l’Arve, le chauffage au bois représente plus de 70% des émissions atmosphériques, contribuant à des pics de pollution insoutenables pour les populations.

Quels appareils sont concernés ?

Il convient de faire la différence selon qu’il s’agisse d’une cheminée à foyer ouvert ou d’une cheminée à foyer fermé. Les cheminées à foyer fermé sont équipées d’un dispositif qui optimise la combustion, souvent associé à des vitres – on les appelle parfois “inserts”. A l’inverse, les cheminées à foyer ouvert sont les cheminées, classiques, à l’ancienne.

De manière générale, les cheminées à foyer ouvert produisent bien plus de particules fines que le foyer fermé.

Quels sont les pollutions / polluants susceptibles d’être émis ?

Le chauffage de bois est responsable de l’émission de polluants toxiques tels que :

  • Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
  • Le benzène (C6H6), substance cancérigène
  • Les oxydes d’azote
  • Les particules fines / particules en suspension (PM 2.5)
  • Le monoxyde de carbone (CO)
  • Les composés organiques volatils (COV),

Ces polluants sont susceptibles de contribuer au développement de maladies cardiorespiratoires, de générer des cancers (du poumons notamment), des intoxications, des irritations…

II. Quel est le cadre juridique applicable aux feux de cheminée ?

Le code de l’environnement ne s’intéresse pas aux feux de cheminée. C’est un domaine régulé au niveau local.

Le règlement sanitaire départemental type (RSD) du 13 septembre 1978 impose en son article 31 certaines obligations relatives à l’entretien des conduits de chauffage.

Ces obligations applicables aux fumées de cheminée vont différer selon les régions.

En Ile-de-France

Les départements de Paris, de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise sont couverte par l’arrêté inter-préfectoral n° IDF-2018-01-31-007 relatif à l’approbation et à la mise en œuvre du Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) pour l’Ile-de-France. Cet arrêté encadre les conditions d’utilisation du chauffage au bois et réglemente certaines utilisations.

A ce titre, il est formellement interdit d’utiliser une cheminée à foyer ouvert comme source principale de chauffage dans l’habitation. En revanche, il est possible de faire chauffer du bois comme chauffage d’appoint ou d’agrément, sous réserve de respecter des conditions particulières :

  • Si vous vivez en appartement, les feux de cheminée ne doivent pas être interdits par le règlement de copropriété

  • Le ramonage doit avoir été effectué conformément aux règles locales (municipales ou préfectorales).

Les feux de cheminée à foyer fermé sont autorisés quel qu’en soit l’usage, sous réserve de respecter certaines conditions :

  • Si l’installation est utilisée comme chauffage principal dans un logement situé dans Paris intramuros, il ne doit pas rejeter plus de 16 mg de poussière par m³.

Les conduits de cheminée doivent être ramonés deux fois par an, dont une fois pendant la période de chauffe. À l’issue du ramonage (qui doit être réalisé par un professionnel), un certificat de ramonage sera délivré.

A noter que l’arrêté inter-préfectoral du 19 décembre 2016 (qui définit les procédures d’information-recommandation et d’alerte du public en cas d’épisode de pollution atmosphérique en Île-de-France ainsi que les mesures à mettre en œuvre) précise que l’interdiction totale de l’utilisation du bois de chauffage en appoint ou en agrément peut constituer une mesure réglementaire d’urgence en cas d’épisode important de pollution.

Dans les autres communes françaises (hors Ile-de-France)

En dehors de la région Ile-de-France, les règles concernant les feux de cheminée sont plus souples. Peu importe que le foyer soit ouvert ou fermé, tant que le ramonage est effectué dans le respect des règles locales (arrêté municipal ou préfectoral consultable en mairie).

En revanche, en appartement, il est impératif de s’informer au préalable si le règlement de copropriété autorise les feux de cheminée.

Certaines régions couvertes par un plan de protection de l’atmosphère peuvent prévoir des conditions restrictives pour le chauffage au bois (pour rappel, les PPA sont obligatoires pour les communes de plus de 250 000 habitants et les zones où les valeurs limites sont dépassées ou risquent de l’être, il est donc crucial de se renseigner sur les dispositifs prévus dans votre zone).

Les feux de cheminée peuvent faire l’objet de restrictions via les arrêtés préfectoraux en cas d’épisodes de pollution.

Les fondements sur lesquels contester des fumées qui vous empoisonnent la vie : les troubles anormaux de voisinage

Un trouble de voisinage peut être qualifié lorsque la nuisance invoquée excède les inconvénients normaux inhérents aux activités du voisinage. Une lecture combinée de différents articles du code civil permet de retenir les fumées de cheminée comme représentant un trouble anormal du voisinage, tels que :

  • Article 1240 du code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”
  • Article 1241 du code civil : “Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”
  • Article 544 du code civil : “La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.”

Les nuisances causées par les fumées de cheminée peuvent représenter des troubles anormaux du voisinage, comme il l’a été reconnu dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Nancy, Chambre civile 2, 11 janvier 2018, RG N° 16/02875 : reconnaissance du trouble anormal de voisinage au sujet d’une cheminée : “ les fumées émanant de la cheminée de l’immeuble à usage d’habitation constituent une gêne pour les voisins qui excède les inconvénients normaux du voisinage, quand bien même il ne s’agit pas d’une gêne permanente mais seulement d’une gêne récurrente se produisant en fonction de certaines conditions atmosphériques, en particulier en cas de vent” […] “Le fait que la cheminée respecte les normes applicables est sans incidence”.

Comment agir en cas de constatation de non-respect de ces obligations ?

Concernant les troubles de voisinage, plusieurs étapes doivent être suivies :

  1. Démarche amiable

Il convient en premier lieu de s’adresser directement à la personne auteur du trouble. Vous pouvez tenter d’exposer directement (par le dialogue) les troubles dont vous souffrez et discuter des solutions pour y remédier. Si le dialogue n’aboutit pas, vous pouvez réitérer votre demande par voie d’une lettre recommandée.

A noter que si les feux de cheminée sont interdits par le règlement de copropriété, il faut solliciter le syndic qui sera en charge de faire respecter le règlement.

Si le trouble nuit à plusieurs résidents, faire remplir des attestation de témoins qui seraient incommodés par les fumées en cause est un moyen d’apporter des preuves en cas de jugement ultérieur.

Vous pouvez également contacter les services municipaux, ainsi que le service communal de l’hygiène et de la santé (SCHS), soit par téléphone, par courrier électronique ou voie postale avec LRAC selon les possibilités d’accès offertes par votre commune.

Il vous est également possible de contacter l’Agence régionale de santé (ARS), qui pourra venir constater les troubles.

  1. La conciliation

Si les feux de cheminée persistent, il vous faudra passer à l’étape supérieure. Depuis la loi du 23 mars 20092, il est imposé de recours à la conciliation ou la médiation avant toute saisine du tribunal dans le cadre des conflits de voisinage.

Le conciliateur de justice est gratuit. Il a pour mission de permettre de régler à l’amiable des différends. En dehors de toute procédure judiciaire, vous pouvez vous adresser à la permanence du conciliateur de votre ressort territorial (pour le trouver : https://www.conciliateurs.fr/Trouver-une-permanence). Il faut cependant que les deux parties aient accepté le rendez-vous avec le conciliateur.

Si la conciliation a été engagée à la demande des parties, le conciliateur peut établir un constat d’accord qui sera signé par les parties et en vertu duquel elles s’engagent l’une envers l’autre. A noter que la rédaction d’un constat n’est obligatoire que si la conciliation entraîne la renonciation à un droit.

Si le conciliateur ne parvient pas à résoudre le litige, il sera possible de recourir aux services d’un huissier de justice. A la différence de la conciliation, le recours à l’huissier de justice est une procédure qui suppose des frais, et qui est généralement onéreuse (plusieurs centaines d’euros en général). L’huissier de justice étant un officier ministériel, cette étape pourra inciter l’auteur du trouble à le faire cesser.

  1. L’étape contentieuse

Si les démarches précédentes n’ont pas abouti, il faudra saisir le juge. La saisine du juge civil pourra permettre de réparer le préjudice causé par les nuisances. La réalité du préjudice peut être démontrée par un maximum de preuve (témoignages, certificats médicaux, constats d’huissier, courriers échangés…).

En cas d’atteinte particulièrement grave, il est possible d’obtenir, en référé, la prescription de mesures urgentes visant à faire cesser les nuisances constitutives d’un trouble manifestement illicite.

La juridiction compétente dépend des sommes en jeu dans le litige. Pour un litige inférieur ou égal à 10 000 €, le tribunal compétent est le tribunal d’instance (TI). Pour un litige supérieur à 10 000 €, il s’agira du tribunal de grande instance (TGI).

La condamnation sur le fond pour troubles de voisinage est longue. Elle peut prendre de nombreux mois (voire plus) et être coûteuse. Il est donc important de consacrer le maximum d’efforts pour tenter de régler à l’amiable le litige en vue de mettre fin aux troubles anormaux causés par les fumées de cheminée voisine.

1 Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Sénat du 05/04/2018 – page 1642

2 Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

Mathilde Lacaze-Masmonteil

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Participez à notre webinaire jeudi 28 janvier à 19 heures avec Deborah Le Mener, responsable du pole qualité de l’air de l’Agence d’écologie urbaine, et Mathilde Lacaze-Monteil, avocate et conseillère juridique de RESPIRE.

https://www.respire-asso.org/event/webinaire-cheminees-que-faire-contre-ces-nuisances/

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