La cuisson au gaz, une menace silencieuse pour les foyers français

La cuisson au gaz, une menace silencieuse pour les foyers français

L’ONG CLASP en partenariat avec l’Association Respire ont commandé à l’Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée TNO (organisme de recherche indépendant, à but non-lucratif) une étude paneuropéenne sur l’impact de la cuisine au gaz sur la qualité de l’air intérieur dans les logements.

Cette étude s’ajoute à la littérature scientifique existante concernant les risques pour la santé de la cuisson au gaz, dus à la pollution produite par ce type de cuisson, en France. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique que les enfants vivant dans des foyers équipés de cuisinières à gaz ont 20 % plus de « chances » d’être victimes de maladies respiratoires, en cause le dioxyde d’azote (NO2) émis par la cuisson au gaz. Selon une étude antérieure de TNO, le nombre d’enfants atteints de symptômes d’asthme, s’approche dangereusement des 150 000 cas en France. 

Cette étude a été réalisée sur 5 mois par TNO, qui a placé des capteurs dans 35 foyers français, ajoutés aux centaines d’autres situés dans 6 autres pays européens (Pays-Bas, Italie, Espagne, Slovaquie, Roumanie, Royaume-Uni) où une grande partie de la population cuisine au gaz.

D’après l’étude, plus de la moitié des foyers français (53 %) utilisant la cuisson au gaz (plaques de cuisson et fours) dépasse le seuil journalier préconisé par l’OMS, pour l’exposition au dioxyde d’azote (NO2). Les niveaux de concentration en dioxyde d’azote se sont avérés être près de deux fois plus élevésdans les foyers recourant à des appareils de cuisson au gaz, que dans ceux disposant d’appareils de cuisson électrique.

Le dépassement des limites préconisées par l’OMS présente un risque important pour la santé, car le dioxyde d’azote peut entraîner une inflammation des voies respiratoires, une toux, des sifflements, une réduction de la fonction pulmonaire et une augmentation des crises d’asthme, en particulier chez les plus jeunes. L’OMS estime que les enfants vivant dans des foyers utilisant une cuisinière à gaz encourent un risque accru de 20 % de souffrir d’une maladie des voies respiratoires inférieures. En France, 146 885 enfants ont été identifiés pour des symptômes d’asthme liés aux cuisinières à gaz, d’après l’étude « Exposer les effets cachés sur la santé de la cuisson au gaz », paru en janvier 2023. (CLASP/TNO/Association Respire)

Les chercheurs ayant réalisé l’étude ont déclaré que les pics de pollution dans les foyers français qui cuisinent au gaz pouvaient durer plusieurs heures et étaient d’autant plus intenses si les appareils de cuisson restaient longtemps allumés. En moyenne, les limites journalières de l’OMS ont été dépassées durant 3 des 13 jours de test. A l’inverse, les cuisinières électriques pouvaient être longuement utilisées sans pour autant modifier le niveau de NO2.

L’étude montre également que, bien qu’équipées de hottes à recirculation d’air ou avec évacuation vers l’extérieur, les cuisines conservent une grande partie de la pollution. D’après les chercheurs, cette inefficacité serait la conséquence d’une mauvaise utilisation par les ménages. Cependant, l’étude souligne aussi que la ventilation est souvent présentée comme la solution ultime à la pollution intérieure au gaz, alors qu’elle n’est toujours pas suffisante pour contrer cette problématique. De même, cette étude rappelle également que la présence de NO2 ne se limite pas à la cuisine mais qu’elle s’étend dans l’ensemble du foyer, aggravant ainsi le risque d’inhaler ce gaz (salon, chambres etc.).

En transposant les chiffres de l’étude sur une année, les chercheurs ont constaté que plus d’un quart (29 %) des foyers français ne respectaient pas la valeur limite, par heure d’exposition au dioxyde d’azote, imposée par l’Union Européenne pour la qualité de l’air extérieur. Ainsi, la mesure de la pollution de l’air à l’intérieur des bâtiments est le grand oublié des régulateurs de l’Union européenne, alors que la qualité de l’air extérieure fait, quant à elle, l’objet de contrôles récurrents. Néanmoins, l’absence de régulation de la qualité de l’air intérieur a pour conséquence l’augmentation des niveaux de dioxyde d’azote au sein des foyers français, parfois supérieurs à ceux de l’extérieur. 

« Avec notre étude de terrain, nous avons mesuré que dans 29 % des ménages français sélectionnés cuisinant au gaz, la valeur limite de dioxyde d’azote (NO2) de l’UE pour une exposition d’une heure était dépassée, là où, les niveaux extérieurs étaient inférieurs à ces valeurs. Pour ramener ces valeurs au-dessous des niveaux recommandés, il est conseillé de passer à la cuisson électrique, de préférence combiné à l’utilisation de hottes de ventilation conçues spécifiquement pour réduire l’exposition à des niveaux élevés de particules provenant de la cuisson. » a déclaré Piet Jacobs, scientifique principal de TNO.

De plus, en Europe, peu de mesures ont été prises pour prévenir la pollution par le dioxyde d’azote généré par les cuisinières au gaz. De même, les réglementations existantes, telles que les réglementations sur les appareils au gaz ou les politiques d’écoconception, ne parviennent pas à limiter la pollution atmosphérique directement à la source. Néanmoins, cette absence de mesures pourrait être corrigée, en 2024, par l’Union Européenne, lors de l’adoption de nouvelles règles via les directives sur l’écoconception et l’étiquetage énergétique. CLASP et l’Association Respire souhaitent qu’un indicateur du taux de pollution soit ajouté sur les étiquettes énergétiques de l’Union Européenne et qu’il figure obligatoirement sur tous les appareils vendus au sein de l’Union.

Enfin, près d’un tiers (31,7 %) des foyers français cuisinent au gaz, mais peu sont conscients des dangers de ce type de cuisson, en raison de la nature invisible de la pollution qui en émane, d’après un sondage réalisé par Opinium, pour l’ONG CLASP. Il précise qu’environ trois quarts (74 %) des répondants déclarent qu’ils envisageraient de se débarrasser de leurs appareils de cuisson au gaz, pour se munir d’un appareil électrique, s’ils étaient informés des dangers de ce type de cuisson.

Nicole Kearney, la directrice de CLASP Europe, déclare : « Nos recherches révèlent la gravité de la pollution de l’air causée par les appareils de cuisson au gaz dans les foyers à travers l’Europe. Il est essentiel de donner aux gens des connaissances sur les risques sanitaires de ces produits, et ils ont besoin de ressources pour passer à des plaques de cuisson et des fours plus propres et plus sains. À leur tour, les gouvernements doivent protéger la santé publique, en s’attaquant à la pollution de l’air à la source et en soutenant la transition vers une cuisine plus propre. »

Tony Renucci, directeur général de Respire, réagit « On ne peut plus fermer les yeux sur les risques liés à la cuisson au gaz ! C’est un sujet de santé publique qui doit être pris à bras le corps par les politiques français. Pour protéger les Français et particulièrement les enfants, il faut les encourager et les accompagner vers l’électrification ! »

Retrouvez l’étude complète en version anglaise en cliquant ici