Face à la pollution de l’air, un arsenal de mesures a été mis en place par les Villes de Paris, Londres et New-York City, mais leur action est loin d’atteindre les résultats escomptés. Tony Renucci, Consultant pour le service public et énarque, nous livre ses conclusions.
La France ne respecte pas ses obligations européennes en termes de concentrations de polluants. Elle a d’ailleurs été assignée devant la Cour de Justice européenne pour ses manquements dans les mesures de lutte contre la pollution de l’air.
Ce constat conduit donc à s’interroger : la prise en compte des risques liés à la pollution atmosphérique à Paris par les pouvoirs publics a-t-elle démarré suffisamment tôt ?
Les mesures prises sont-elles suffisantes et adaptées ?
La comparaison internationale entre Paris, Londres et New-York City, permet d’analyser la portée des politiques publiques engagées sur une période écoulée du XIXème siècle jusqu’à 2017. Mon étude se fonde sur une analyse approfondie des rapports parlementaires et institutionnels, des études scientifiques et des articles de presse spécialisés. L’objectif était d’objectiver d’une part le lien entre pollution atmosphérique et risques sanitaires, socio-économiques et juridiques, et d’autre part d’identifier les politiques publiques mises en place. Cette revue de littérature a été complétée par 23 entretiens de terrain réalisés avec des dirigeants politiques, hauts fonctionnaires et experts universitaires pour comprendre les stratégies déployées et les risques visés, ainsi que les obstacles et les résistances rencontrés.
Quelles en sont les conclusions ? Si les politiques publiques mises en place par la France et Paris ont indéniablement contribué à améliorer la qualité de l’air durant la dernière décennie, elles restent néanmoins largement insuffisantes.
L’action de la puissance publique dans ce domaine n’a démarré que tardivement, dans les années 1990. Elle ne repose pas aujourd’hui sur une stratégie structurée, claire et cohérente. À l’échelle de l’État, cette action repose essentiellement depuis 2015 sur l’incitation et le soutien à l’évolution du parc automobile vers les véhicules électriques et hybrides sans mesures réellement contraignantes et sans forces de rappel pour faire respecter les normes par les constructeurs automobiles, comme l’illustre la récente affaire Volkswagen.
La Ville de Paris dispose d’un large arsenal de mesures, telles que la promotion des transports en commun et la mobilité douce, mais les objectifs sont plus orientés vers la question de la qualité de vie des Parisiens que vers la lutte contre la pollution atmosphérique à proprement parler. L’absence d’alignement entre l’échelon municipal, local et national conduit à adopter des politiques contradictoires, comme l’ont montré la gestion des pics de pollution ou celle des feux de cheminées en foyer ouverts. Ces contradictions nuisent à la mise en œuvre efficace des mesures engagées par la puissance publique.
La comparaison internationale montre que Londres et New-York City ont adopté des mesures ambitieuses dès le début des années 2000 en affirmant l’objectif d’amélioration de la santé publique et en s’appuyant sur une forte volonté politique des élus.
Londres a ainsi fortement axé sa politique sur la réduction du trafic routier afin de décourager l’usage de la voiture.
La Ville a mis en place une « congestion charge », péage urbain à l’entrée du centre de l’agglomération londonienne, la « low emission zone » (LEZ), qui restreint l’accès aux poids lourds, cars et véhicules militaires polluants à l’ensemble de l’agglomération londonienne, complétée ensuite par une « ultra low emission zone » (ULEZ), appliquée à tous les véhicules inférieurs à la norme Euro 6 diesel ou Euro 4 essence, y compris les bus publics et les taxis à partir de 2019.
La ville de New-York a quant à elle axé sa politique sur une lutte radicale contre la pollution résidentielle.
Elle a adopté le NYC Clean Heat Program en 2012 qui impose aux propriétaires d’immeubles l’abandon du mazout domestique de type numéro 6 d’ici 2015 et du mazout domestique de type numéro 4 d’ici 2030. Ces mesures ont permis d’éradiquer complètement l’usage du fioul de type numéro 6 à New York, résultant une réduction des émissions de PM2,5 de 500 tonnes et la conversion de 6 500 bâtiments à un système de chauffage plus propre.
Toutefois, à New York comme à Londres et à Paris, les divergences politiques avec l’échelon national ou fédéral limitent les moyens d’action des villes.
En conclusion, la prise de conscience de la puissance publique comme de l’opinion publique reste très partielle. La mobilisation tardive des acteurs publics se heurte aujourd’hui à la résistance au changement des individus, plus sensibles aux pics de pollution qu’à leur exposition à long terme. Leur ambition est freinée par plusieurs facteurs : constellation des acteurs, objectifs non contraignants fixés à horizons moyen ou long terme et issus d’un consensus politique, systèmes de contrôles et de sanctions peu réactifs.
Il est urgent que la lutte contre la pollution de l’air gagne en efficacité. Mon étude recommande ainsi l’adoption de normes strictes alignées sur les recommandations de l’OMS. Ces mesures sont certes impopulaires, avec un coût politique important mais sont indispensables au choc de conscience qui fera basculer les populations vers un nouveau modèle de mobilité.
Tony Renucci
c commentaire pas comment
quelle ville pollue le plus entre Paris et New York ?
Quelle ville pollue le plus entre Paris et New York ?