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Pollution : Les chiffres trompeurs de la RATP

27/01/2021

La pollution de l’air à l’intérieur des stations de métro est préoccupante. Depuis des années, la RATP affirme surveiller le sujet au moyen d’un dispositif baptisé SQUALES, mais une nouvelle étude, commanditée par RESPIRE et le Syndicat autonome de la RATP, réalisée dans 10 stations parisiennes, montre que les données de la RATP sont trompeuses. Les valeurs ne correspondent pas à la pollution réelle dans les stations, avec des écarts qui atteignent un facteur 10. L’enjeu de santé publique est majeur quand 4 millions d’usagers et des dizaines de milliers de salariés utilisent quotidiennement les enceintes du métro parisien.

Dans une étude précédente, publiée en septembre 2019, RESPIRE avait montré que la pollution de l’air à l’intérieur du métro atteint des niveaux énormes, jusqu’à 10 fois plus élevés qu’en surface. Si l’on utilisait les référentiels de l’air extérieur, de nombreuses stations seraient en pic de pollution permanent. De plus, la pollution dans les stations est essentiellement composée de particules ultrafines, qui pénètrent plus profondément à l’intérieur du corps humain. L’enjeu est majeur.

Or, la RATP tarde à réagir. Elle a mis en place, il y a plusieurs années, un système de mesure de la pollution baptisé SQUALES. En théorie, ce système mesure la pollution dans 3 stations parisiennes : Auber, Châtelet et Franklin-Roosevelt. Dans les faits, la station de mesure d’Auber ne communique plus ses résultats depuis juillet 2018 ; celle de Châtelet n’a pas communiqué de données en 2018. (Données consultées le 22 janvier)

Laboratoire du CNRS

Respire et le syndicat autonome de la RATP (SAT-RATP) ont fait appel à Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche au LPC2E-CNRS à Orléans, qui a développé un outil de haute précision, baptisé LOAC, notamment installé depuis des années sur le Ballon de Paris, pour mesurer la pollution dans ces trois stations, mais aussi dans plusieurs autres lors d’une campagne de mesures réalisée avec le SAT-RATP, entre le 24 septembre et le 2 décembre 2020. Il apparaît que :

  • Les données à Châtelet sont fausses : le capteur est encrassé et donne des valeurs surévaluées et incohérentes.

  • Les données à Franklin sont à peu près correctes et plutôt basses car la station est bien ventilée.

  • La station Auber est exposée à une pollution très importante, très au-dessus des valeurs habituelles. C’est peut-être pour cette raison que la RATP ne communique plus les valeurs de la station de mesure qui semble pourtant en fonctionnement et en bon état.

  • Les capteurs de la RATP ne révèlent pas les pics très élevés, les “sursauts”, que nous constatons – jusque 500 μg/m3 (soit dix fois le seuil d’un pic de pollution  en extérieur) sur des durées courtes mais qui représentent une exposition majeure pour les usagers sur les quais.

  • Les données dans les autres stations montrent une grande diversité de situations : les valeurs vont de 20 à 100 μg/m3 soit une échelle de 1 à 5, sans corrélation avec les données du réseau SQUALES. A l’intérieur d’une même station ayant des correspondances, les valeurs peuvent varier du simple au triple d’une ligne à une autre, comme nous le montrons dans le cas des stations Châtelet et place d’Italie.

  • Les stations de RER semblent particulièrement polluées, peut-être parce que le freinage des rames de RER, plus lourdes, génère plus de particules à l’entrée en station.

  • Le dispositif de purification de l’air installé dans la station Alexandre Dumas ne semble pas être très efficace :  les niveaux moyens sur le quai en face du dispositif sont 5 fois supérieurs aux niveaux extérieurs, et des pics très élevés (sursauts) sont observés.

 Le capteur encrassé de la RATP au métro Châtelet

En conclusion, les capteurs actuels, mal entretenus et peu performants, ne donnent pas une image réaliste de la situation de la pollution dans les stations. Par ailleurs, la diversité des situations est telle que les 2 ou 3 capteurs de la RATP, même s’ils fonctionnaient correctement, ne pourraient en aucun cas donner une image fidèle de la situation sur l’ensemble du réseau.

La RATP ne fait pas les efforts nécessaires

“Notre étude montre que la RATP ne fait pas les efforts nécessaires pour évaluer sérieusement la qualité de l’air à l’intérieur des enceintes, alors que les niveaux mesurés atteignent des seuils préoccupants. Mesurer la gravité du problème est la première étape pour pouvoir le résoudre. La RATP ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger ses employés et ses utilisateurs.”, déclare Olivier Blond, directeur de Respire.

“ Les agents de la RATP sont les plus exposés et rien n’a été mis en place par l’entreprise pour préserver leur intégrité physique comme le prévoit le code du travail alors même que la Présidente et ses délégataires n’ignoraient pas le danger que nous encourions. Nous avons donc décidé de participer activement à cette étude afin de mettre un terme à ce scandale sanitaire. Nous n’oublions pas non plus les voyageurs qui eux aussi sont victimes de cette pollution”, déclare Reda Benrerbia, secrétaire général de SAT-RATP.

Nous demandons donc à l’entreprise publique (contrôlée par l’Etat à 100 %) de mettre en place rapidement un système sérieux de mesure de la pollution de l’air – Nous nous tenons à sa disposition pour discuter de comment y parvenir. Nous demandons également à l’entreprise de mettre en place un dispositif correct d’information et de transparence.

Cette étude est publiée alors qu’arrive à échéance le délai imparti par le Conseil d’Etat au Premier ministre pour définir de nouvelles normes pour la qualité de l’air à l’intérieur des enceintes de métro. En effet, suite à une requête de la CFDT-FGEN, par une Décision du 29 juillet 2020, le Conseil d’Etat enjoignait au “Premier ministre de modifier les dispositions de l’article R. 4222-10 du code du travail en fixant des concentrations moyennes en poussières totales et alvéolaires de l’atmosphère inhalée par les travailleurs dans les locaux à pollution spécifique de nature à protéger la santé de ces travailleurs dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.”

Le premier ministre n’a pas réalisé la modification demandée, pas plus que le gouvernement n’a agi suite à l’injonction du Conseil d’Etat sur la pollution de l’air extérieur, dont Respire est partie prenante. L’inaction de l’Etat, actionnaire à 100% de la RATP est préoccupante quand la pollution de l’air est responsable d’une crise sanitaire majeure. Il doit agir.

TELECHARGER L ETUDE COMPLETE

Le Syndicat Autonome Tout  RATP est une organisation de défense de l’intérêt des salariés du groupe RATP.   

Le LPC2E est un laboratoire du CNRS. Des études sur les particules liquides et solides dans l’atmosphère y sont régulièrement menées au sol et sous différents types de ballons atmosphériques

 

Tableau synthétique des résultats (étude complète ici)

Station

PM10 moyenne (μg/m3)

Ecart

Différence avec l’extérieur (données Airparif)

PM2.5

(μg/m3)

PM1 (μg/m3)

Commentaire

Abesses L12

50

+30

20-30

20-30

PM1 très présentes – particules carbonées et métalliques 0,5 μm

Alexandre Dumas L2

80

40-130 pics à 400

+50

20-60

20-40

pics à 200

La station est équipée d’un dispositif de purification de l’air qui ne semble pas bien fonctionner

Châtelet L4

40

+20-30

20

20

Les mesures PM10 de la RATP sont irréalistes et trop élevées.

Franklin Roosevelt

27

10-40

+10

10-20

10-20

Les valeurs de PM10 sont similaires avec celles du capteur RATP

Place d’italie L5

30

30-60, pics à 200

+30-50

30-40, pics à 100

Excès de particules entre 2 et 5 μm

Place d’Italie L7

80

40-120,

pics à 300

+50

50

40, 

pics à 200

Situation différente du quai de la L5 de la même station, probablement parce que la station est plus profonde

Trocadéro L9

40

30-60 pics à 300

10-20

30

30 

pics à 200

Auber, RER A

100

Entre 50 et 250, jusqu’à 500 

+30 à +230

30-80

30-40 jusqu’à 100

Les travaux de rénovation dans la station contribuent probablement aux niveaux élevés de pollution

Châtelet RER A

60

50-100, pics à 400

+50

50

40

pics à 200

Gare de Lyon, RER A

40

30-110, pics à 500

+20 à +100

50

40

pics à 200

 

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