Rouen Respire publie, ce 19 mai, les résultats de son enquête citoyenne sur les conséquences de l’incendie du 26 septembre. Il s’agit de la première étude épidémiologique sur la santé des populations après l’incendie.
Cette étude a été réalisée par questionnaire de 60 questions, qui a été rempli par 565 participants, adhérents mais aussi non-adhérents de Rouen Respire, entre le 24 janvier et le 10 mars 2020. Elle a été menée avec les méthodes et des outils permettant un traitement statistique performant : mise en ligne Wepi, analyse en langage « R »,…
Elle dévoile plusieurs informations importantes sur les conséquences de la catastrophe.
1. Les 565 personnes qui ont répondu vivent principalement à moins de 10 km du site de l’incendie et ont été impactées par les conséquences environnementales de l’incendie (odeurs, panache, suies, retombées de fibrociment). Les odeurs perçues et les dépôts de suie observés l’ont été bien au delà de la trajectoire du panache. Elles ont dans leur grande majorité ressenti plusieurs symptômes qui ont persisté parfois pendant des mois. Les symptômes respiratoire, ORL et surtout l’anxiété sont au premier plan (80% des participants pour l’anxiété). Les symptômes ont été d’autant plus durables que les odeurs ont été ressenties fréquemment, odeurs qui persistent encore aujourd’hui. Il semble donc inapproprié de se baser uniquement sur la modélisation du panache pour étudier les conséquences sanitaires sur la population. Les odeurs ou les retombées – loin d’être bénignes- signent la présence de molécules toxiques qui ont diffusé largement dans l’agglomération.
2. Les personnes sont nombreuses à avoir contacté les services médicaux : 188 personnes soit 33 % des participants sont allées voir un médecin. Malgré la taille réduite de l’échantillon, ce chiffre est élevé en regard des 18 passages aux urgences entre le 26/09 et le 20/10 relevés par les autorités de santé et ceux de SOS médecin (45 actes). L’importance du recours aux consultations en médecine de ville a probablement été sous-estimée. L’importance des conséquences médicales de l’incendie a donc peut-être également été sous-estimée.
3. L’impact médical touche particulièrement les personnes vulnérables : 86 % des personnes ayant une pathologie respiratoire ont constaté une aggravation de celle-ci, pendant plusieurs mois. 51 % des personnes ayant une autre pathologie chronique ont vu celle-ci s’aggraver.
4. L’impact psychologique est important : 81 % des répondants ont signalé une anxiété, parfois durable puisque 20 % des personnes en souffrent encore plusieurs mois après l’incendie. L’impact comportemental l’est aussi : 46 % des participants ont quitté leur domicile dans les jours qui ont suivi l’incendie ; 81 % ont changé leurs habitudes par la suite. Ils ne se sentent toujours pas protégés face au risque industriel.
Cette étude présente donc des résultats importants en regard du peu d’informations disponibles jusqu’à présent sur la santé des citoyens après l’incendie. Aussi limitée qu’elle soit, elle donne des indications essentielles pour les études de santé publiques à venir.
Cette étude est la première étude citoyenne d’ampleur menée avec des méthodes scientifiques sur ce sujet : elle montre la vigilance de la vie associative, sa capacité à apporter des éléments essentiels à la compréhension du problème et l’importance d’associer la population aux réflexions sur les sujets qui la concernent.